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Culte du dimanche 16 novembre 2025
Partage
Jean 1 :
1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie.
6 Il y eut un homme envoyé par Dieu, du nom de Jean.
7 Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais (il vint) pour rendre témoignage à la lumière.
9 C’était la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a pas connue.
11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçue ;
12 mais à tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom
13 et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
Prédication
Plus qu’un simple texte biblique, je vous propose ce matin un magnifique texte poétique. Au commencement était la parole, le Logos ! Oui, c’est de poésie dont il est question et plus encore. La Bible nous parle du pouvoir créateur des mots, de la parole. Dans le premier chapitre du livre de la Genèse qui parle de la création, le Seigneur ordonne que telle chose soit et cette chose vient à naître. Récit qui nous parle d’un commencement merveilleux mais qui n’est pas une lecture scientifique. La Genèse ne cherche pas à expliquer le Big Bang, elle ne parle pas tant d’un commencement chronologique, que ce qui se tient au-dessus du monde. Berechit, que nous traduisons par « Au commencement » (et qui est devenu Genèse par le truchement de la traduction grecque), signifie en hébreu « sur la tête ». C’est ce qui est à la tête de toute chose.
À la tête de toute chose est celui qui parle. Une parole qui appelle écoute, réponse, relation… La philosophe Simone Veil écrivait que la relation nous permet d’exister au sens fort du terme, c’est-à-dire, littéralement (existare), de sortir de soi, de faire l’expérience d’une extase. Exister est ce que je ne peux faire seul. Une relation d’amour nous est nécessaire pour nous décentrer de nous-mêmes, et nous pousser à l’existence, à sortir de nous-mêmes pour vivre avec l’autre.
Dans l’Écriture, lorsqu’il est dit qu’au commencement était la parole et que rien n’a été fait sans elle, nous ne sommes pas dans le domaine de la philosophie grecque. Il s’agit ici de la parole du Dieu biblique, le Dieu de l’alliance, celui qui nomme et qui appelle. C’est le Dieu qui libère un peuple de l’esclavage, qui arrache l’être humain à la puissance du péché, le Dieu de la parole et, avant tout, du dialogue.Le dialogue permet à chacun d’exister et d’exprimer son être profond.
La parole est aussi intimement liée à la lumière. La lumière, en soi, est invisible ; on ne la perçoit que lorsqu’elle rencontre un objet, qu’il s’agisse d’un paysage ou d’un visage. La lumière restitue à chaque chose ses couleurs, ses formes et son identité. C’est peut-être la raison pour laquelle la lumière est un thème majeur de la théologie biblique. Jésus est la lumière, la Parole est une lampe sur le sentier, et on ne cache pas une lampe sous le bois, mais on la place là où elle peut éclairer toute la pièce. La lumière éclaire, révèle l’identité de chacun, guide et permet la connaissance de soi. L’évangéliste nous dit que la parole du Fils unique est lumière, qui nous parle de nous-mêmes, nous révèle le monde et nous sert de chemin.
L’évangéliste va plus loin. Il affirme que ce fils est venu chez les siens, non pas comme un Dieu condescendant et autoritaire, mais comme un Dieu ami, reconnaissant l’humain comme un partenaire digne d’être rencontré. Ces paroles confèrent le pouvoir de devenir enfant de Dieu à celui qui croit en la venue du fils de Dieu. La relation d’amitié et d’amour, exprimée par la foi, devient ic une naissance, une nouvelle naissance. Dans la relation que Dieu offre gratuitement, il nous accueil comme ses enfants. Un rabbin disait que se convertir, c’est s’inscrire dans une autre origine. La conversion, ou la nouvelle naissance, est l’inscription de l’humain dans cette origine divine. L’humain est enfant de Dieu ; il est plus qu’une somme biologique ou génétique, mais il est de Dieu, de lui il tire son origine et l’origine de sa vie spirituelle, la foi, l’esprit et l’amour. Si la vie biologique est terrestre mais sa vie spirituelle est céleste lui vient de Dieu.
Cependant, il y a un hic dans l’histoire. Les hommes n’ont pas reçu cette parole, ils ne l’ont pas reconnu. Pourquoi cela a-t-il pu se faire ? Lui, qui a enseigné, qui a accueilli les plus petits de la société, qui s’est fait le témoin du pardon de Dieu, qui a opéré des miracles… Combien de signes et de prodiges n’a-t-il pas accomplis dans ce monde ? On pourrait discuter des heures durant de la subjectivité de la foi, de sa naissance… Il est vrai qu’on ne se décide pas à croire ; la foi est comme un sentiment amoureux, elle vous tombe dessus. Cela étant dit, on peut essayer de comprendre pourquoi est-ce que les Siens ne l’ont pas reconnu ?
La parole s’est faite chair. Karl Barth parlait de la contradiction entre la parole et la chair. La chair évoque ce qui est contraire à l’Esprit de Dieu. L’apôtre Paul, dans sa lettre aux Galates, oppose les fruits de l’esprit, tels que l’amour, la patience et la bonté, aux fruits de la chair, comme l’égoïsme, la colère, l’envie, la débauche, etc. La chair est cette puissance en l’homme qui s’oppose à Dieu, l’enfermant sur lui-même et ses désirs les plus naturels, voire les plus bas. La chair n’est pas une description biologique mais un concept théologique qui explique la limite de l’être humain. D’ailleurs, dans tous les passages relatifs à la résurrection, il n’est jamais question de la résurrection de la chair, comme on le récite dans notre Credo, mais de la résurrection des corps. Paul parle de corps spirituels, incorruptibles et glorieux, en opposition aux corps naturels, fragiles et corruptibles. Il oppose le corps spirituel à celui de la chair. Cela nous montre que cette vie future nous échappe complètement ; elle est radicalement différente de celle que nous vivons ici.
Or ici, ce n’est pas l’humain qui devient spirituel, ni le corruptible qui revêt l’incorruptible. C’est le Verbe de Dieu incorruptible qui revêt la chair, comme un vêtement. Le Fils s’incarne dans notre humanité, il s’y dissimule comme le dit abondamment Martin Luther qui parle du Dieu inconnu, du Dieu qui se cache dans son contraire. Cet aspect de Dieu est essentiel pour le réformateur : « Dieu tel qu’il demeure caché dans sa majesté ne doit pas être adoré, mais Dieu tel qu’il se révèle dans la chair du Christ », écrit le réformateur dans l’un de ses ouvrages majeurs « Le cerf arbitre ». Pour Luther, c’est le Dieu révélé dans la chair qui doit être cherché et adoré.
Oui, Dieu doit être cherché, car il se cache dans son contraire, dans l’humain, dans sa chair, dans ses limites, y compris la plus douloureuse : la mort. L’incarnation affecte l’image même que l’on s’est faite traditionnellement de Dieu. Combien de superlatifs l’Eglise n’a-t-elle pas utilisés pour parler de Dieu : toute-puissance, omnipotence, son omniprésence, omniscience, ubiquité etc. Dieu était le contraire de l’humain, celui qui était sans limite… Quand la Parole se fait chair, tout change, on le comprend aisément.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’un jeu de cache-cache. L’incarnation est la révélation d’un Dieu qui se tient au plus près de l’humanité, pour lui parler et l’aimer. Il est important de rappeler cette finalité. S’il est courant, dans la mythologie grecque de parler de dieux qui prennent forme humaine, c’est pour se jouer de l’homme, comme Zeus qui prend la forme d’Amphitryon pour s’unir avec Alcmène et enfanter Héraclès. Mais cette venue est une tromperie. Les dieux demeurent tout-puissants, tout en affichant des traits humains triviaux tels que la jalousie, la rivalité et la combativité. Ils ne servent pas les hommes mais se servent d’eux.
Dans l’Évangile, tout est différent. Dans sa lettre aux Philippiens, Paul souligne que Jésus n’a pas cherché à conserver son pouvoir à être l’égal de Dieu. Au contraire, il s’est fait homme, s’est rendu obéissant à Dieu jusqu’à la mort. Lorsque la Parole se fait chair, Dieu se révèle dans sa compassion. Il communie aux luttes de l’existence, partage nos tentations et nos limites, et partage également cette nécessité et ce combat de la foi.
Le fils s’est fait chair non pour se laisser submerger par la puissance de la chair, mais pour vivre au cœur de celle-ci, une relation unique et parfaite avec Dieu le Père. Celui qui peut faire de nos vies des enfants de Dieu a choisi de vivre comme un fils de Dieu, malgré nos limites. In fine, l’incarnation nous parle autant de Dieu que de l’humain. Elle nous révèle l’un et l’autre, et l’un par rapport à l’autre. Elle nous révèle un Dieu dont la puissance réside dans son amour. Il est si puissant qu’il peut même se limiter dans sa puissance pour se faire proche de nous.
Mais il nous révèle aussi à nous-mêmes. Paul disait que nous ne nous connaîtrons parfaitement qu’à la fin, mais qu’en attendant ce jour, nous ne nous connaissons que partiellement. Cela signifie que dans l’attente du royaume de Dieu, nous ne sommes que les ombres de ce que nous sommes appelés à devenir en Dieu. Le salut est un mystère, la création nouvelle est une promesse en devenir. Mais le Christ, qui se drape dans la chair, nous révèle ce que peut être cette vie. La chair n’est plus cette prison dont Platon chercher à se libérer, mais pour nous, elle est la crèche où son Esprit vient résider. Le fils nous révèle la vie authentique port par la foi et l’amour, au creux de cette chair.
Il me semble que cette venue est une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui qui avons tant besoin de retrouver confiance en l’humanité. L’évangile qui nous invite à croire en l’humain n’est pas cette voix humaniste qui s’auto-congratule. C’est une voix théologique qui nous parle de l’humanité sans fard, mais avec lucidité, reconnaissant son péché tout en affirmant l’amour et le pardon divin. C’est la contraction même de l’amour, qui cherche à transcender la condamnation et à embrasser le pardon. Dieu se fait homme, la Parole se fait chair pour nous dire qu’il a confiance en cette humanité. Au regard de son amour, il l’a jugée digne d’être visitée et imprégnée de son Esprit. La théologie de l’incarnation nous rappelle que Dieu a aimé ce monde au point de le visiter, de s’y mêler et de se laisser crucifier par lui. C’est un amour douloureux jusqu’au sacrifice, certes, mais c’est aussi un amour qui ouvre à la vie éternelle. Ayez foi en moi, Seigneur, ayez foi en vous-mêmes, car j’ai vaincu le monde par l’amour. Amen.